Angela Jane Weisl et Robert Squillace (dir.), Medievalisms in a Global Age, coll. “Medievalism”, vol.XXVII, Cambridge, D.S. Brewer, 2024.
Across the world, revivals of medieval practices, images, and tales flourish as never before. The essays collected here, informed by approaches from Global Studies and the critical discourse on the concept of a « Global Middle Ages », explore the many facets of contemporary medievalism: post-colonial responses to the enforced dissemination of Western medievalisms, attempts to retrieve pre-modern cultural traditions that were interrupted by colonialism, the tentative forging of a global « medieval » imaginary from the world’s repository of magical tales and figures, and the deployment across borders of medieval imagery for political purposes. The volume is divided into two sections, dealing with « Local Spaces » and « Global Geographies ». The contributions in the first consider a variety of medievalisms tied to particular places across a broad geography, but as part of a larger transnational medievalist dynamic. Those in the second focus on explicitly globalist medievalist phenomena whether concerning the projection of a particular medievalist trope across borders or the integration of « medieval » pasts from different parts of the globe in a contemporary incarnation of medievalism. A wide range of topics are addressed, from Japanese manga and Arthurian tales to The O-Trilogy of Maurice Gee, Camus, and Dungeons and Dragons.
Table des matières :
Introduction: Medievalisms: Local Spaces and Global Geographies
Part I: Local Spaces
1. Metamorphosis Metamorphosed: Fox Daemon, (Anti-)Colonialism, and Global Medievalism in Ken Liu’s ‘Good Hunting’ – Minjie Su
2. The Medievalist Simulacra of Kafka’s The Castle in Graphic Adaptations – Elizabeth Allyn Woock
3. Mangaesque Knights: Japan’s Path to Global Medievalism – Maxime Danesin & Manuel Hernández-Pérez
4. The Good, the Bad, and the Ugly in Maurice Gee’s The O Trilogy – Anna Czarnowus
5. Trading a Bow for a Machine Gun: Robin Hoods, Nationalism and the Personas of Philippine Politics – Stefanie Matabang
6. Tropical Templars? Medievalism and Pseudohistory in Brazil’s Largest City – Luiz Guerra
7. Plague Temporality and Chronicle in Camus’s La peste – Sara Torres
8. The Griot in Sunjata: A Paradigmatic Herald of an Afrofuturistic Messianic Age – Joseph Osei-Bonsu
9. Toward a Place-Based, North Pacific Medieval Studies: Medievalism, Pedagogy, Indigeneity – Daniel T. Kline
Part II: Global Geographies
10. Revolt: « Peasants » and Protest in the Twenty-First Century – Matthias D. Berger
11. « Taking a Step Back into the Thirteenth Century »: Reading the Globe through a Medieval Lens: In the Footsteps of Marco Polo – Kara L. McShane
12. A Pinch of Flour, a Cup of Tall Tales, and one Khaleesi: Getting Medieval Across Time and Space – Meriem Pagès
13. The Boys Are Back in Town: Capital One’s Propagandic Commercials for Alt-Right Nostalgic Imperialism – Carol Robinson
14. Memes, Covid-19, and Global Medievalism – Andrew B.R. Elliott
15. Dichotomies of Arthurian Medievalism: Dismantling and Reinforcing the Status Quo – Rachael Warmington
16. Thor versus Juracán: Premodern Storm Gods and Goddesses in Popular Culture – Marian E. Polhill
17. Geo-mapping the In-Betweens: Medieval Daoist Correlatives in Pokémon Go – Anne Giblin Gedacht
18. Worldbuilding Dungeons and Befriending Dragons: How the Global TTRPG Community Combats Western Hegemony – Miranda Hajduk
19. Marrying Medievalism, Post-Apocalypse, and the Global in Digital Games – Emily Price
List of Contributors
Index
L’ouvrage se situe au croisement du médiévalisme et des « Global Studies », un champ de recherches développé dès les années 1970 et encore contesté dans le monde universitaire, mais qui propose de dépasser les analyses centrées sur des territoires, et notamment des États-nations spécifiques, en les mettant dans la perspective des sociétés mondialisées. Il s’agit de fait d’un domaine étroitement lié aux enjeux économiques du capitalisme mondial, mais qui revêt aussi des aspects culturels complexes, comme le souligne notamment l’article de Carol Robinson dans cet ouvrage. Parce qu’elles prônent un décloisonnement fondamental, les Global Studies empruntent aussi aux études postcoloniales, aux études de genre et, de façon plus large, se construisent sur la notion de « lien » culturel (« connectivity », Brian Culver). Dans leur introduction, Angela Jane Weisl et Robert Squillace reviennent sur l’origine et le développement des Global Studies, et interrogent la façon dont leurs outils peuvent s’appliquer au médiévalisme, à la fois au sens de produit culturel et de pratique culturelle, en questionnant la notion de frontière. Les directeurs d’ouvrage précisent que la généralisation de moyens de communication instantanés a favorisé la vision d’un monde perçu dans sa globalité – même si cette vision elle-même diffère largement d’un individu ou d’un pays à l’autre –, ce qui en retour permet la reconnaissance de références culturelles partagées. Ces éléments sont surtout développés dans la seconde partie de l’ouvrage.
Le médiévalisme apparaît alors de façon ambivalente, d’abord comme un processus inverse à cette mondialisation : « medievalism […] is in part a reaction against globalization, a return to an impagined past when the local was unaffected (or at least did not recognize that it was affected) by far distant events » (p.6). Cependant, d’autres facettes du médiévalisme vont quant à elles dans le sens de cette mondialisation, tant les références deviennent communes – par la diffusion internationale et la force de frappe culturelle d’un imaginaire construit par les studios Disney ou Ghibli, par exemple –, voire interchangeables – les auteurs évoquent le rapprochement entre chevaliers et samouraïs, ou entre les dragons occidentaux et asiatiques. La réflexion amorcée en introduction, et prolongée au cours de plusieurs articles, sur la notion d’hybridité gagnerait ici à être soutenue par des travaux quantitatifs, car ils expriment des distinctions souvent subjectives qui pourraient être précisées grâce aux outils des sciences de la réception. Les auteurs rappellent d’ailleurs que, actuellement, les Global Studies n’offrent pas de méthodologie précise mais reposent sur la notion de circulation comme système de pensée. De fait, une grande partie de l’ouvrage semble parfois hésiter sur l’articulation théorique entre « globalization » et « localization », les deux exprimant des concepts a priori opposés mais qui se construisent en réalité ensemble et à des niveaux parfois complexes à différencier, comme le précisent plusieurs auteurs de l’ouvrage.
Les 19 chapitres de ce volume, hors introduction, sont divisés en deux sections, « Local Spaces » et « Global Geographies », même si certains articles auraient pu être situés dans les deux catégories tant ces deux notions se répondent. Une grande partie des articles de la deuxième section, par exemple, reste centrée sur la sphère occidentale et sur la façon dont elle oriente, pour le meilleur et pour le pire, un imaginaire médiévaliste « mondialisé ». Comme les auteurs de l’ouvrage partent du principe que ce degré entre les deux notions est spécifique à chaque production individuelle, les études ne proposent pas de vision surplombante. Plusieurs chapitres évoquent sans clairement la définir cette articulation entre mondial et national, et notamment sans chercher à prolonger la réflexion issue de l’ouvrage 21st Century Medievalisms. Between The Global and Individual (dir. Karl Christian Alvestad, Trivent Publishing, 2023).
En ce sens, ce regroupement d’articles apporte des éclairages ponctuels qui permettent de décentrer la réflexion médiévaliste – et notamment de s’éloigner d’une vision qui reste très souvent centrée sur l’Europe et les États-Unis –, mais pour une approche plus surplombante l’on consultera plutôt la petite étude de Helen Young et Kavita Mudan Finn, Global Medievalism : An Introduction (Cambridge University Press, 2022), ou d’un point de vue pédagogique l’ouvrage dirigé par Geraldine Heng, Teaching the Global Middle Ages (Modern Language Association of America, 2022). De même, l’introduction de l’ouvrage d’Angela Jane Weisl et de Robert Squillace revient sur une possible distinction entre « medievalism » et « neo-medievalism », mais sans que la différence soit exploitée dans la suite de l’ouvrage. Si les études de cas spécifiques restent souvent très intéressantes, et font parfois preuve d’originalité dans les corpus ou les angles choisis – l’on lira notamment avec grand intérêt l’article réflexif de Daniel T. Kline à la fin de la première section –, l’ensemble de l’ouvrage manque toutefois d’une conclusion globale ou de temps de recul afin de proposer une plus grande harmonisation.
L’ouvrage inclut un index bienvenu, même si les sujets très vastes abordés tout au long des différents chapitres ne permettent finalement qu’assez peu de croisement des thèmes abordés. L’on notera toutefois que les différents auteurs font l’effort de tisser des liens notionnels entre plusieurs chapitres, ce qui permet d’approfondir la lecture en dépassant la simple juxtaposition d’études ponctuelles. Les enjeux du (dé)colonialisme, notamment, invitent à croiser plusieurs approches proposées dans les deux sections, de même que l’image d’un « passé médiéval » pour les espaces hors d’Europe. L’article de Matthias Berger, « Revolt : “Peasants” and Protest in the Twenty-First Century » aborde le concept intéressant de « people’s medievalism » qui pourrait être convoqué plus explicitement dans plusieurs autres chapitres, et qui transcende de façon pertinente la dualité parfois artificielle ici entre « local » et « global ». L’idée d’un médiévalisme « as an index of our discontent with the present », également reprise dans l’article d’Emily Price, s’appuie sur une distinction supplémentaire qui peut à son tour permettre de dépasser cette opposition géographique.
Enfin, il est regrettable que l’ouvrage ne comporte aucune bibliographie, ni globale en fin d’ouvrage ni même propre à chaque chapitre. Les lecteurs et lectrices sont invités à consulter les notes de bas de page de chaque article pour retrouver des références nombreuses et très utiles dans le décentrement nécessaire des études médiévalistes au-delà de la seule sphère occidentale.
Informations et commandes sur le site de l’éditeur.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Justine Breton (8 septembre 2024). Parution : Medievalisms in a Global Age. Modernités médiévales. Consulté le 12 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/129ev